Il y a 25 ans jour pour jour sortait le premier numéro (plus précisément le numéro zéro) du Fanzine Le Violon Dingue, le 1er avril 1998.
Depuis quelques années, je me rendais religieusement à chaque édition du festival d’Angoulême, accompagné de quelques poignées de fans de BD de ma région grâce à l’initiative du sémillant Erwan Botrel (s’il y a quelqu’un à qui peut coller cet adjectif, c’est bien lui) qui organisait des voyages en car depuis le Finistère. Hébergés dans un lycée agricole et réveil militaire à 7h du mat par Erwan qui jouait de la bombarde dans les couloirs.
Je voulais devenir dessinateur depuis mon plus jeune âge, mais à ce moment là, j’y allais surtout en tant que lecteur, fan de Loisel, Maëster et plein d’autres, trop content de faire jusque’à 4 h de queue pour un petit dessin. De baigner dans cet univers auquel j’aspirais tellement depuis mon petit village de campagne, les pieds dans la bouse et la tête dans les bulles, où trouver des amis qui partagent cette passion était quasiment mission impossible. Enfin si, il y avait Erwan, qui en plus de porter le même prénom que moi portait aussi les mêmes habits et on avait créé ensemble le journal du lycée. D’ailleurs il faisait bien sûr partie du voyage pour Angoulême.
Là bas, entre exposants et collectionneurs, enfants avec des étoiles dans les yeux, aspirants dessinateurs et expositions époustouflantes, punks à fanzines trainant à moitié bourrés dans les rues, j’étais chez moi, c’était un peu, comment dire… ma famille.
Très vite, en sillonnant le festival, je m’étais rendu compte que certains dessinateurs au talent parfois bien plus accessible que mes idoles susnommées arboraient fièrement des badges officiels qui leur servaient à la fois de médailles pour briller aux yeux des passants ébahis, mais surtout de coupe-file pour entrer dans les Bulles. Pour obtenir ce Sésame, rien de plus simple : être un fanzineux.
En 1997, étudiant aux Beaux Arts de Brest, j’avais toujours chevillé au corps ce désir débordant d’avoir un badge pour frimer et couper les files d’attente du prochain festival d’Angoulême. Il devenait impératif de motiver des copains à créer un Fanzine.
D’abord les copains de classe : Pierre Stoll alias Pideul, Nico Cado alias Raspoutine, Nyna, Fabrice Pellen, Gwendal Lemercier…
Et puis la question de trouver des points de vente à Brest se posa assez vite. En démarchant les disquaires et libraires de la ville, l’un d’entre eux se proposa, non seulement de mettre en vente notre Fanzine dans son rayon de la Sonothèque, mais aussi d’y participer. En plus de son talent de scénariste, il nous offrait son talent de VRP. Il décrochait des points de vente dans chaque troquet, des articles dans chaque organe de PQR, dégotait des nouveaux auteurs, nous promettait monts et merveilles, des festivals archi VRP un peu survendus qui s’avéraient être des fêtes de la saucisse dans un bled paumé.Il s’appelait Kris. (S’il y avait, à l’époque, une deuxième personne à qui seyait à merveille l’adjectif sémillant, c’était bien lui.)
Nous ont rejoint Mike, Fried, Julien Lamanda, Loisif, et bien sûr Nicolas Hervoches qui gérait la mise en page, Michaël Le Gall alias Le Galli, Yann Provost alias Mr Absent.
Après avoir noirci des pages et des pages d’idées de noms, nous avons choisi « Le Violon Dingue » (ref au Violon D’Ingres, évidemment), une idée de mon copain Thomas Morin, qui apparaitra une ou deux fois en Guest star dans mes histoires. Gwendal nous dessina un joli Logo, une mascotte appelée Strad, Nicolas Hervoches choisit sa plus belle police de caractère avec un magnifique ombrage (ne rigolez pas, c’était super tendance à cette époque)
Le rituel des réunions à l’étage du Café Belge (aujourd’hui’hui Nectarine) se mit rapidement en place, on avançait chacun chez soi et on se retrouvait pour des réunions de boulot autour d’une bière; et nous étions prêts pour lancer le premier numéro, sorti le 1er avril 1998. Il y a putain de 25 ans. Petit à petit, notre objectif n’était plus le badge coupe-file mais bien le titre de roi de la BD ou un truc comme ça.
L’aventure a duré moins de deux ans pour 6 numéros. Des tas d’autres dessinateurs ou scénaristes nous ont rejoint au fil des publications, dont certains sont devenus professionnels. On notera l’absence d’autrices. Ce n’était évidemment pas un choix éditorial, mais le reflet de ce qu’était le monde de la BD, catégorie amateurs finistériens à cette époque, pour ne pas dire simplement le monde de la BD tout court : très majoritairement masculin.
En comptant les nouveaux auteurs, chroniqueurs et « petite famille » qui tournait autour, nous étions une fière équipe. Dofresh, Mouk, LAST, LOL, OXO (le meilleur d’entre nous), Schnumft, Sylvain Thomas, Hubert et Weil, Erwan Le Bot alias Hily, Josselin Paris, Pyt, Laurent Cavoleau alias Cavolo, Jiro, Samarkand, Awen, Lano, Nikorik, Paddy, Closier, York, Raw, Blake, Zitouni, Nathalie Boeuf, Hral, Mickaël Raoult… certains venaient de super loin, genre Quimper ou Lorient, voire même Rennes …
Des personnages ou séries récurrentes faisaient la joie de nos lecteurs (si si) : Les Death Squad, Marie Germaine, Tommy, Fruchtuc, La vie des bêtes, Vert et revers…
Cette aventure était pour nous l’occasion de faire un premier pas dans le monde de la Bande dessinée, de faire régulièrement des pages, de montrer nos histoires à des pros qui chaque fois faisaient preuve d’une énorme patience et bienveillance. On a dédicacé notre fanzine en festival, rencontré des tas d’autres auteurs et autrices en herbe, et puis, plus tard, premiers albums pour certains tandis que les autres bifurquaient ou simplement gardaient ce plaisir de faire de la BD comme un loisir.
En 25 ans, pour la plupart, on s’est un peu perdus de vue. Certains sont restés des amis et les autres ont complètement disparu des radars. Il y en a peut-être qui sont morts … ça me ferait plaisir de revoir tout ce petit monde, mais bon, la vie qui file, tout ça, c’est compliqué. Enfin j’en revois de temps en temps ( Fried, Dofresh, coeur avec les doigts)
En tout cas c’était super grisant de partager ces moments avec vous les amis !
Fun Fact : On avait aussi des pages de rédactionnel et je me rends compte que j’avais commis un article sur la sortie de Donjon tome 1 :> Bon, je n’avais pas un grand talent de journaliste, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais je le poste quand même parce que c’est un peu mignon.
Pour une raison que j’ignore, ce billet est remonté dans mon fil RSS ce matin et je n’ai aucun souvenir l’avoir lu avant. Quel plaisir de commencer la journée avec ces quelques planches. Toutes sans aucun doute surpassent tellement en qualité graphique (pour la narration, faudrait en voir plus) la majorité de la production BD actuelle qu’il n’y a que deux hypothèses : soit la sélection est draconienne et le reste n’est vraiment pas à la hauteur, soit définitivement la BD ne paye pas le talent qui s’occupe à autre chose et laisse la médiocrité envahir l’espace…
C’est gentil. Il n’y avait pas une si grosse sélection à vrai dire. Je crois qu’on passait quasiment tout, et j’ai essayé de montrer des images assez représentatives de ce qu’il y avait dans le fanzine.
Et pour répondre à votre interrogation, personnellement je trouve qu’il y a un gros niveau chez les jeunes auteurs actuellement. Les plus jeunes que je peux voir en ateliers ou lors de rencontres se détournent beaucoup de la BD Franco-belge et ne dessinent plus que du manga dans 90% des cas, avec un manque de diversité assez déprimant, mais techniquement il y a vraiment de belles choses.